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Conséquences, réactions de l'UE... On vous explique les sanctions douanières américaines envers l'Union européenne

Les Etats-Unis ont annoncé l'imposition, à des tarifs douaniers punitifs, de plusieurs produits européens à partir du 18 octobre. Si ces menaces sont mises à exécution, les avions seront taxés à hauteur de 10% et le vin, le fromage, le café et les olives à hauteur de 25%.

Article rédigé par franceinfo - Noémie Leclercq
France Télévisions
Publié
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Donald Trump dans les jardins de la Maison Blanche, à Washington, le 3 octobre 2019. (STEFANI REYNOLDS / AFP)

Washington a obtenu gain de cause. Les Etats-Unis ont annoncé que 7,5 milliards de dollars (soit 6,8 milliards d'euros) de produits européens seraient taxés par des tarifs douaniers punitifs, à partir du 18 octobre. Seront désormais taxés à 10% les avions importés de l'Union européenne, et à 25% d'autres produits, dont le vin, le fromage, le café et les olives. Le début d'une "guerre commerciale" entre les Etats-Unis et l'Union européenne, a estimé sur BFMTV la porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye.

D'où viennent ces sanctions ?

Cette annonce intervient immédiatement après le feu vert donné par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) aux Etats-Unis, autorisant la taxation des produits européens. L'institution a évalué à 7,5 milliards de dollars annuels les dommages pour les Etats-Unis dus aux subventions accordées à Airbus par l'Union européenne. Il s'agit de la plus lourde sanction jamais imposée par l'OMC. Une "belle victoire", selon Donald Trump, bien que Washington réclamait de pouvoir imposer 10,56 milliards de dollars annuels de droits de douane supplémentaires. 

"Les Etats-Unis ont gagné 7,5 milliards de dollars de la part de l'OMC contre l'Union européenne, qui a pendant de longues années très mal traité les Etats-Unis avec des taxes, des barrières commerciales et bien d'autres choses. Cette affaire durait depuis des années, belle victoire !" a déclaré le président américain sur Twitter.

Cette décision intervient après un conflit opposant Airbus à Boeing. Il aura fallu plus de quinze ans de procédure pour que l'OMC parvienne à cette conclusion. En 2004, les Etats-Unis ont déposé un recours auprès de l'organisation mondiale. Dans son viseur : un accord de 1992 sur les subventions de l'aéronautique européen. Washington accusait la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne d'accorder des subventions illégales à Airbus et de créer ainsi une concurrence déloyale avec Boeing, le concurrent américain du constructeur. 

Comment va réagir l'Union européenne ?

Les Européens avaient dénoncé, en retour, 19,1 milliards de dollars de subventions octroyées à Boeing par le gouvernement américain, et une plainte avait été déposée. L'OMC avait alors reconnu coupable Washington, mais le montant des sanctions imposables par l'Europe sur les importations américaines ne sera connu que début 2020.

D'où les réticences à la mise en place de contre-sanctions côté européen. "Nous continuons de penser que même si Washington y est autorisé par l’organe de règlement des différends, choisir d’imposer des sanctions maintenant serait contre-productif et de courte vue", a estimé, mercredi soir, la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström. Dans la même journée et avant l'annonce des sanctions, Bruno Le Maire, le ministre français de l’Economie et des Finances, avait déclaré que l'UE s'attelait à "faire redescendre les tensions et éviter des sanctions tarifaires qui ne feront que nuire à nos deux économies, au moment où la Chine renforce son industrie aéronautique". Il avait toutefois précisé que si les Etats-Unis choisissaient de vraiment imposer des sanctions à partir du 18 octobre, "ce serait une erreur économique et politique."

Nous serons prêts, avec nos partenaires européens, à y répondre de façon ferme.

Bruno Le Maire, ministre de l'Economie

à l'AFP

Airbus a également réagi à la décision de l'OMC, dans un communiqué diffusé mercredi matin. "Si le représentant américain au commerce choisit d'imposer des droits de douane sur l'importation d'aéronefs ou de composants d'aéronefs, cela créera de l'insécurité et perturbera non seulement le secteur aéronautique et spatial, mais également l'économie mondiale dans son ensemble. Une telle situation peut toutefois être évitée." L'avionneur européen espère donc que les menaces de Washington ne seront pas mises à exécution.

Quels sont les secteurs les plus menacés ? 

Outre l'aéronautique, d'autres secteurs européens sont dans le viseur des Etats-Unis. Les taxes vont en priorité concerner les importations en provenance des pays responsables de l'aide jugée illégale à Airbus : la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. Une liste des produits concernés avait été publiée par le ministère du Commerce américain en avril. Cette taxation punitive risque d'affecter la demande, et donc les exportations, vers les Etats-Unis, qui représentent pour de nombreux secteurs le marché le plus porteur. Résultat : un ralentissement de l'économie globale et un risque de grandes difficultés pour les entreprises touchées.

L'Hexagone serait particulièrement concerné : le vin et le fromage font partie des produits dont la taxation punitive s'élèverait à 25%. "La mise en place de ces droits de douane pénalisera très fortement les producteurs et exportateurs de vins français mais également nos clients et nos consommateurs aux Etats-Unis", a estimé dans un communiqué la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France, qui appelle les autorités françaises et européennes à négocier une solution. Lactalis, principal groupe agroalimentaire laitier français, a également fait part de son inquiétude : "Les produits laitiers sont impactés au premier plan. On s'étonne que ça se retourne contre des fleurons agroalimentaires français, a déclaré le groupe à l'AFP. On va se battre pour que ces mesures soient retardées. On n'a pas la décision entre nos mains, on attend la réponse de Bruxelles."

Seront également concernés des produits comme le whisky écossais, pour qui le marché américain est capital, l'huile d'olive espagnole et les olives italiennes. 

Ces sanctions vont-elles profiter aux entreprises américaines ?

Pas forcément. Les autorités américaines pourraient même hésiter à mettre en œuvre ces sanctions. Car certaines compagnies aériennes locales ont passé des commandes auprès d'Airbus. Dès l'annonce des sanctions, American Airlines, United Airlines et Delta Airlines ont vu leurs actions en Bourse chuter d'au moins 4% dans la journée. 

Imposer des tarifs douaniers sur des avions que les compagnies aériennes américaines ont déjà commandés va les affecter sérieusement, ainsi que les salariés qu'ils emploient et les voyageurs.

La compagnie aérienne Delta Airlines

à "Capital"

A l'inverse, les compagnies européennes attendent également des livraisons d'appareils Boeing : si des sanctions sont prises par l'UE en réponse à la décision américaine, un cataclysme est à prévoir pour l'industrie américaine. 

Les chaînes de production des deux constructeurs aériens sont aussi complètement mondialisées et sous-traitent dans tous les pays : "Airbus achète pour 40 milliards de dollars de composants américains et Boeing fait de même en Europe. Les détricoter aussi brutalement affectera durablement l’industrie mondiale", estime de son côté l'éditorialiste économique Philippe Escande dans Le Monde (article payant). 

En somme, la mise en œuvre des sanctions annoncées risque de créer une situation de crise pour l'économie mondiale, déjà menacée par la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine. 

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